Il y a près de 150 ans des missionnaires partaient porter le message évangélique dans des contrées encore vierges et sauvages. Ainsi, l'Océanie fut un terrain privilégié d'évangélisation au cours de ce XIXeme siècle grâce aux grandes découvertes de nos explorateurs, aux tours du monde de mr de Lapérouse et autres aventuriers.
Imaginons quelques instants, ce petit groupe de 5 maristes : 1 jeune évêque, 1 prêtre et 3 frères, laissés par un navire de la marine française sur le bord d'une plage d'une de ces îles d'Océanie, en vu, et non pas encore, d'être annexée par la France! Une plage où s'agglutinent des dizaines de sauvages à poil et officiellement cannibales qui leur tâtent les mollets et les bras...
Des mois sans manger si ce n'est quelques racines et encore pas tous les jours, ils se rendent compte que les habitants font disette 9 mois sur 12, que le cannibalisme est une question de survie et la souffrance leur lot quotidien.
Pourtant, dans un contexte qui ne frappe même plus l'imagination par l'irréalité d'un tel malheur, ces maristes ont survécu et gardé la Foi devant l'immensité de la tâche à évangéliser ces hommes. Alors que certains grands chefs plus féroces que d'autres menaient des guerres incessantes, un des religieux partit à sa rencontre espérant trouver un appui pour influencer les autres tribus. C'est ainsi que la vue seule de la croix pectorale du prêtre subjugua le chef qui cessa séance tenante tout combat pour recevoir cet homme blanc qui venait le voir.
Loin de crier au miracle et à l'imagerie d'Epinal, je commence à comprendre l'origine de l'impact de la Croix sur l'esprit de ces hommes : la souffrance. Ces hommes habitués à souffrir, habitués au malheur ne se scandalisèrent pas de voir un homme crucifié et au contraire cherchèrent à comprendre pourquoi ils se trouvaient là et pourquoi ils servaient de symbole, voire d'étendard. Je crois qu'il y avait une véritable connivence entre leur vie et celle du Christ crucifié. Certains, non pas tous certes, eurent véritablement la passion de la Croix, jusqu'au martyr même, parce que comme disait ce grand chef féroce, qui assommaient 4 femmes en une matinée pour un simple manque de respect!..., " "revenez, père, car quand vous n'êtes pas là, nous sommes si malheureux!"
Je regarde en comparaison notre société occidentale avec sa haine de la Croix, sa haine de la religion catholique, je comprends alors qu'à l'oppposé de ces sauvages, les hommes occidentaux ne souffrent pas vraiment et surtout ne veulent plus souffrir, mais dans le même temps retournent au même malheur et au même état que ces populations. Trop de gens imaginent que la civilisation et l'intelligence sont question de développement matériel, alors qu'elles sont question de degré d'élévation spirituelle et morale et par là de philosophie de vie.
La Croix étend sur la terre une ombre de douceur et de paix pour ceux qui savent en saisir le sens, elle a apporté dans ces tribus lointaines un nouveau sens à leur existence, terrassant la méchanceté alors implacable soumettant ainsi même les plus irréductibles. Bien loin des musulmans et des protestants, elle ne tue pas, ne force pas, elle embrasse.
J'entends souvent ces arguments de gens incapables d'une quelconque élévation d'âme émettre avec mépris et rage l'idée que tous ces gens ont été forcés, envoûtés dans cette religion pétrie de mensonges et enlevés à leur belle civilisation . Mais que savent-ils de leur civilisation ces gens qui ne jugent qu'à travers des historiens malhonnêtes? Comment peuvent-ils expliquer le dévouement de prêtres et de frères qui n'avaient rien d'autre à gagner que le risque de se faire dévorer? de subir famines et maladies? de quitter tout leur confort et leur famille pour se lancer dans une aventure humainement déraisonnable ?
La mission évangélique fut certainement une des plus belles preuves de la vérité catholique; fondée sur la vérité humaine, elle s'est attaché à civiliser et élever ces hommes noirs et crépus, souvent considérés comme inférieurs, au niveau des plus grands génies antiques par une puissance, inconnue de nos civilisations usées, à atteindre les choses spirituelles sans connaissance.
Plantez la Croix dans une tribu jusqu'ici famélique et guerrière, et c'est la terre qui est travaillée, les ruches installées et les constructions élevées, des hommes qui découvrent la paix d'une vie laborieuse et priante, des femmes respectées.
La Croix est éminemment civilisatrice. Les hommes ensuite, au nom d'une civilisation décadente s'emploieront à l'arracher, à la brûler pour ne point gêner leur trafic douteux, car c'est bien parce qu'elle est civilisatrice qu'elle est si controversée, si haïe : elle est un signe visible qui tourmente les consciences et impose sa Loi. On ne peut rien contre la Croix : on la porte ou on la jette, mais elle ne reste jamais sur le bord du chemin, indifférente.
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