mercredi 18 juillet 2012

Restaurer

Chaque époque s'anime de l'état d'esprit des gens qui y vivent. Ainsi en va-t-il des biens matériels comme des biens spirituels.
Pour répondre à certaines personnes qui pensent que leur combat identitaire sans la foi sauvera plus sûrement les racines chrétiennes de notre civilisation que les chrétiens eux-mêmes, je me suis permis une petite analyse allégorique de la situation... dans les grandes lignes, bien sûr, il ne s'agit pas de thèse mais d'un point de vue qui peut ouvrir à la réflexion.
Dans un passé pré-industriel, les choses étant rares et donc chères, on avait une science scrupuleuse de la préservation et de la réparation surtout: combien de chaussures recousues, de bas reprisés, de fonds de culottes rapiécés...
De même, quand des problèmes religieux survenaient, quand la religion s'effritait et déviait du chemin, on "raccomodait". On faisait des bulles et des conciles pour remettre les choses en ordre et le peuple, habitué à réparer, acceptait le plus naturellement du monde que ces biens spirituels soient eux aussi restaurés. Ainsi avançait le monde, cahin-caha, avec ses fautes et ses vertus, comme l'ondulation d'une vague infinie, pleine d'écume mais de force.
Devant le désastre d'une nouvelle société consommatrice et jouisseuse en diable, la vague s'est brisée; elle a rencontré un mur: un mur d'opposition, un mur de rejet, un mur d'enfants capricieux appliqués à casser ses jouets. A l'heure du flot énorme de marchandises parcourant les mers pour assouvir toutes les envies des populations développées, des  objets n'ayant d'utilité que celle dictée par la mode people au temps éphémère, les mot restaurer et réparer font figure d'anachronisme voire d'injure, de trouble-fête à l'ambiance festive imposée.
Aujourd'hui, nous sommes un peu comme une grande famille qui aurait hérité d'un vieux manoir. D'emblée des groupes se forment, trois principalement. Des idées fusent pour gérer cet héritage.
Le premier groupe a déjà contacté architectes et entrepreneurs pour raser et construire un immeuble plus fonctionnel et moderne, où la rentabilité deviendrait le maitre-mot. Le manoir est pour eux bien trop vieux et trop cher à restaurer. Les fissures sont jugées être le résultat d'une mauvaise construction et non celui d'un mauvais entretien, ils ne se projettent pas dans l'âme de ce manoir, ils l'observent comme un vulgaire bien immobilier dont il faut tirer le meilleur parti.
Le deuxième groupe se vautre d'emblée dans les fauteuils d'époque sous l'oeil sévère du tableau de l'ancêtre, court à la cave chercher quelques bouteilles qu'ils versent dans le service en cristal sorti du buffet Louis XV, et tout en fumant des cigarettes américaines refont le monde tout en déclarant ne surtout pas toucher au manoir: il faut le garder tel quel, avec ses fissures et ses hautes herbes. Toutes les vieilleries sont précieusement conservées dans des vitrines, les outillages entreposés dans cette ancienne grange si typique. Les coffres débordent de costumes d'époque qu'on ressortira à l'occasion, si les rats ne sont pas passés avant.
Le troisième groupe fait le tour de la bâtisse, prend des notes, fait des relevés et s'interroge sur les compétences de chacun pour restaurer la maison. Ils veulent garder le manoir, mais l'arranger. Ils veulent le faire revivre, que chaque objet ait son utilité, que le moulin à café meule le café, que le soc soit de nouveau attaché à la charrue. Plus de vitrine, mais des bibliothèques, pas de musée d'horreurs désuets mais un choix de belles choses pouvant servir, plus de souvenirs romantiques, mais une  mémoire honnête.
Ce manoir représente les racines chrétiennes de notre civilisation. Les uns n'en veulent plus: elles ne sont pas assez modernes pour leur apporter ce bonheur illusoire du confort.  Les autres veulent les garder en décoration, comme une sorte de nostalgie du passé, mais ils ne se rendent pas compte qu'ils vont les faire pourrir et mourir par manque d'air et de vie. Elles sont bien là leurs racines, mais qu'elles restent surtout bien enfermées dans la vitrine: ils ont d'autres chats à fouetter, d'autres dieux à adorer, d'autres croyances à élucider, d'autres philosophies à échafauder...et puis, elles ne sont pas bien "propres" ces racines, pas bien nettes, un peu fissurées, peut-être bien qu'elles ne sont pas si bien que ça...mais on les garde quand même, c'est une identité; et un jour ils se rendront compte, mais trop tard, qu'elles ne sont plus car ils avaient oublié qu'elles étaient vivantes et qu'il fallait les nourrir. Et puis il y a les derniers qui veulent les retrouver ces racines, non pas juste les garder, mais les nettoyer, les restaurer, les gratter jusqu'à retrouver la partie saine qui a nourri tant de belles âmes. Ils ont une mémoire longue, une mémoire qui analyse et comprend au delà d'une sentimentalité d'écorché vif, que ces racines furent une force, une vraie source de vie et qu'elles seules peuvent permettre de reprendre le court de la vague de l'histoire, ondulante mais courageuse.
On comprendra aisément qu'il est incohérent de vouloir sauver un fondement religieux sans y appartenir, qu'il est même hypocrite de se réclamer d'une civilisation tout en la trahissant.
Alors que notre civilisation est effectivement menacée par l'invasion de deux fronts, deux fronts qui ont la foi: l'islam d'un coté, le mondialisme de l'autre, le rejet systématique de la catholicité, de la spiritualité qui a construit notre civilisation, sous divers prétextes plus ou moins arrangeant risque d'être fatal. 
Ces gens qui ont " le camp des saints" en livre de chevet ferait bien de méditer : " ... il y aura deux camps : l'un aura la foi et l'autre pas. Celui qui aura la foi sera vainqueur, l'autre sera balayé."



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