“Face aux adeptes de la table rase, le passé est la grande affaire du
réactionnaire, qui s’arc-boute sur une mémoire souvent fictive. Les
réactionnaires sont des nostalgiques d’un passé réel ou fantasmé. Ils
s’y rattachent d’une façon souvent pathétique, ou simplement puérile.
Puisque “c’était mieux avant”, ils proposent toujours d’en revenir à
quelque chose, sans comprendre que l’histoire ne repasse pas les plats.
Comme le disait Marx, ils cherchent à “faire tourner à l’envers la roue
de l’histoire”. C’est ce qui explique leur inintelligence politique. Un
brave réactionnaire, interviewé récemment dans le journal de l’Action
française, à la question “Pourquoi selon vous faut-il un roi à la
France ?”, répondait tout simplement : “Parce que c’est joli !”, et
aussi parce que la France “a été vouée à la Sainte Vierge, nous reliant
ainsi au Golgotha”. On voit le niveau. Mais de ce point de vue, ceux qui
critiquent les “nouveaux réacs” pourraient tout aussi bien être
considérés comme des réactionnaires, puisqu’ils se refusent à voir le
monde comme il est et cherchent par tous les moyens à escamoter ce qui
crève les yeux.
Le réactionnaire est aussi le contraire du
révolutionnaire. Se réfugiant dans le passé par refus du présent, le
réactionnaire rechigne aux solutions radicales. Il préfère le pire des
“ordres” en place à l’idée même de révolution. Réactionnaire est celui
qui croit pouvoir faire face à la crise financière mondiale en prônant
un retour au bon vieux “capitalisme rhénan”. Réactionnaire encore celui
qui, lors de la dernière élection présidentielle, choisissait de voter
pour un président sortant qu’il n’avait cessé de critiquer pendant cinq
ans au motif qu’il représentait le “moindre mal” - sans réaliser que
c’est en fait ainsi qu’il pratiquait la politique du pire. A cela
s’ajoutent les préjugés et les intérêts de classe. Dans l’éternel
affrontement entre les Versaillais et les Communards, les réactionnaires
sont évidemment du côté de Monsieur Thiers et de la bourgeoisie. Le
réactionnaire est du côté de l’”union sacrée”, du “sursaut national”, de
l’”union des patriotes” et autres calembredaines qui, depuis cent
cinquante ans au moins, l’ont fait constamment voler de défaite en
défaite. Comme son nom l’indique, le réactionnaire a certes le mérite de
réagir. Il vaut mieux réagir que rester passif et subir en silence -
l’avion à réaction, c’est bien connu, va généralement plus vite que les
autres. Mais la réaction s’oppose aussi à la réflexion. La droite
réactionnaire est réactive, et non pas réflexive. Elle marche à
l’indignation à l’enthousiasme, au sentiment. Ce n’est pas toujours une
faute, mais cela en devient une dès que l’émotion interdit l’analyse des
situations, rendant du même coup aveugle à l’exacte nature du moment
historique que l’on vit. De ce point de vue, le mouvement des “indignés”
est lui aussi “réactionnaire”. L’indignation n’est pas une politique.
Une
droite antilibérale et non réactionnaire serait tout naturellement
faite pour s’entendre avec une gauche purgée de l’idéologie de progrès.
C’est sans doute cette conjonction que veulent interdire ceux qui
s’affairent à rafistoler la digue, à remettre une couche sur la chape de
plomb. Mais jusqu’à quand ?”
Robert de Herte
source : http://zentropaville.tumblr.com/post/28549188604/face-aux-adeptes-de-la-table-rase-le-passe
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