jeudi 2 août 2012

Ne m'appellez plus jamais réac...

“Face aux adeptes de la table rase, le passé est la grande affaire du réactionnaire, qui s’arc-boute sur une mémoire souvent fictive. Les réactionnaires sont des nostalgiques d’un passé réel ou fantasmé. Ils s’y rattachent d’une façon souvent pathétique, ou simplement puérile. Puisque “c’était mieux avant”, ils proposent toujours d’en revenir à quelque chose, sans comprendre que l’histoire ne repasse pas les plats. Comme le disait Marx, ils cherchent à “faire tourner à l’envers la roue de l’histoire”. C’est ce qui explique leur inintelligence politique. Un brave réactionnaire, interviewé récemment dans le journal de l’Action française, à la question “Pourquoi selon vous faut-il un roi à la France ?”, répondait tout simplement : “Parce que c’est joli !”, et aussi parce que la France “a été vouée à la Sainte Vierge, nous reliant ainsi au Golgotha”. On voit le niveau. Mais de ce point de vue, ceux qui critiquent les “nouveaux réacs” pourraient tout aussi bien être considérés comme des réactionnaires, puisqu’ils se refusent à voir le monde comme il est et cherchent par tous les moyens à escamoter ce qui crève les yeux.

Le réactionnaire est aussi le contraire du révolutionnaire. Se réfugiant dans le passé par refus du présent, le réactionnaire rechigne aux solutions radicales. Il préfère le pire des “ordres” en place à l’idée même de révolution. Réactionnaire est celui qui croit pouvoir faire face à la crise financière mondiale en prônant un retour au bon vieux “capitalisme rhénan”. Réactionnaire encore celui qui, lors de la dernière élection présidentielle, choisissait de voter pour un président sortant qu’il n’avait cessé de critiquer pendant cinq ans au motif qu’il représentait le “moindre mal” - sans réaliser que c’est en fait ainsi qu’il pratiquait la politique du pire. A cela s’ajoutent les préjugés et les intérêts de classe. Dans l’éternel affrontement entre les Versaillais et les Communards, les réactionnaires sont évidemment du côté de Monsieur Thiers et de la bourgeoisie. Le réactionnaire est du côté de l’”union sacrée”, du “sursaut national”, de l’”union des patriotes” et autres calembredaines qui, depuis cent cinquante ans au moins, l’ont fait constamment voler de défaite en défaite. Comme son nom l’indique, le réactionnaire a certes le mérite de réagir. Il vaut mieux réagir que rester passif et subir en silence - l’avion à réaction, c’est bien connu, va généralement plus vite que les autres. Mais la réaction s’oppose aussi à la réflexion. La droite réactionnaire est réactive, et non pas réflexive. Elle marche à l’indignation à l’enthousiasme, au sentiment. Ce n’est pas toujours une faute, mais cela en devient une dès que l’émotion interdit l’analyse des situations, rendant du même coup aveugle à l’exacte nature du moment historique que l’on vit. De ce point de vue, le mouvement des “indignés” est lui aussi “réactionnaire”. L’indignation n’est pas une politique.

Une droite antilibérale et non réactionnaire serait tout naturellement faite pour s’entendre avec une gauche purgée de l’idéologie de progrès. C’est sans doute cette conjonction que veulent interdire ceux qui s’affairent à rafistoler la digue, à remettre une couche sur la chape de plomb. Mais jusqu’à quand ?”

Robert de Herte

source : http://zentropaville.tumblr.com/post/28549188604/face-aux-adeptes-de-la-table-rase-le-passe

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