Se rapprocher de la nature par un tour dans son jardin et quelques travaux de jardinage sont propices à des réflexions parfois étranges, souvent de concert avec les temps qui courent. La solitude et l'éloignement aident au recul et aux questions existentielles, quand la communauté et les engagements physiques pourvoient au plus urgent et pansent les plaies, sans toutefois prendre le temps de comprendre d'où sont venus les coups.
L'une et l'autre attitudes sont nécessaires et apportent un sens à la vie.Dans ce contexte de solitude et de réflexion, je me propose de partager ici quelques idées sur l'être humain. Rien de bien révolutionnaire, en vérité, mais peut-être un retour à une conception perdue depuis plusieurs siècles.
De l'homme à l'image de Dieu, on a réussi à aboutir à l'homme, cet animal pensant.
L'image d'un Dieu trine se devait d'être trine elle aussi, ainsi donc l'homme fut créé non pas dans la dualité, corps et âme, mais dans la trinité : corps, âme et esprit. Les deux derniers pourraient paraître identiques, pourtant la langue française ne leur attribue pas le même adjectif leur donnant une distinction essentielle trop vite oubliée. L'âme est spirituelle, l'esprit est psychologique.
L'âme est surnaturelle, l'esprit trouve son assise dans l'intelligence et fait le lien du naturel au surnaturel.
C'est le christianisme qui a révélé cette vérité fondamentale sur notre humanité. Quand les anciens de l'antiquité ne donnaient souvent d'importance qu'à l'esprit et au corps, développant ainsi, parfois jusqu'à la perfection, les qualités psychologiques dominant un corps dompté, comme à l'âge d'or de la civilisation grecque, le christianisme a apporté la transcendance de cette dualité magnifique. C'est d'ailleurs pour cela que la civilisation grecque put, plus que toute autre civilisation de l'époque, transporter le message christique à travers l'Europe, et qu'il est juste de considérer notre civilisation française comme helléno-chrétienne.
Nous retrouvons encore à notre époque cette dualité antique dans l'art de vivre japonais ou chinois : le ying et le yang, dont la perfection s'épanouit dans les arts martiaux notamment. Nous savons que le bouddhisme dont ils se réclament n'est pas une spiritualité mais un exercice mentale par la méditation dite "transcendantale" qui n'aboutit qu'au vide, mais jamais à Dieu.
Les autres religions principales telles le protestantisme, l'animisme, l'islam, au contraire emprisonnent l'homme dans une autre dualité : corps et âme. Le corps se soumet à une transcendance directe du surnaturelle, omettant de prendre en compte l'esprit, c'est-à-dire la part psychologique de l'homme qui fait le lien indispensable et va permettre de stabiliser cette transcendance, lui donner un équilibre. Déséquilibre alors qui se traduit le plus souvent par le fanatisme, la rigidité ou/et la sorcellerie.
Quant au catholicisme, s'il a reçu à son origine la révélation de cette humanité trine, il l'a peu à peu dénaturée, atrophiée, rigidifié pour n'en laisser subsister qu'un maigre lambeau fané.
Le haut Moyen-Age vit naître les derniers chantres de cette trinité avec Saint Thomas d'Aquin, en particulier, qui fort heureusement laissa une somme théologique ineffable qui a traversé les siècles pour permettre un retour permanent à l'essence de notre humanité faite à l'image de Dieu.
Ce Moyen-Age fut à tort peint en noir par tous nos historiens quand c'était l'époque heureuse où la foi, l'habitude et la résignation venaient adoucir l'existence de l'homme. Notre monde moderne, avec tous ses désirs inassouvis ne connait plus cette résignation qui révélait une force psychologique autre qu'une faiblesse de soumission qui serait plutôt de l'ordre du fatalisme, rejetant l'habitude source d'ennui, souvent par manque de foi.
Ainsi dans ces trois notions : foi, habitude, résignation, est résumé la trinité humaine telle qu'elle fut vécue par nos ancêtres permettant de faire de la France, ce pays si envié et jalousé, si grand et généreux jusqu'à l'aube de la révolution.
Pour autant qu'on comprend ce qu'est le corps, qu'on devine ce qu'est l'âme, on a souvent du mal à définir et cerner l'esprit, beaucoup plus complexe. Je pense que l'esprit s'agence autour de trois valeurs principales: la volonté, la sensibilité et l'objection de conscience (autrement dit la liberté, au sens philosophique du terme), le tout régenté par l'intelligence et la charité.
Pour faire bref, je passerai directement au XIXeme siècle qui, à mon avis, prend une part non négligeable dans notre décadence actuelle. En effet, il a mis en avant la volonté au détriment de la sensibilité, tout en sclérosant l'objection de conscience dans une avalanche d'interdits parfois inexpliqués voire inexplicables et donc inextricables. Le catholicisme se rigidifia alors terriblement, amoindrissant par le même coup la spiritualité tout en cassant l'élan de l'âme vers Dieu.
L'élan cassé, la volonté tendue comme la corde d'un arc se rompit d'un coup, laissant la sensibilité la submerger emportant dans sa violente débâcle l'objection de conscience. Le concile Vatican II, bien que beaucoup pensent que ce soit un évènement de catho-machin qui ne les concerne pas, a eu un rôle essentiel dans cette débâcle, disons même qu'il en a ouvert les écluses. L'ampleur de cette vague submergeante va bien au delà d'une simple querelle de clocher, elle est responsable de la décadence sociale et politique, du rejet de l'ordre naturel tel que nous le vivons de façon totalement inédite.*
En effet, quand la volonté engendre la force, la sensibilité apporte la douceur. La force sans la douceur peut tenir quelque temps, voire s'adoucir petit-à-petit et arriver à l'équilibre; tandis que la douceur sans la force perd toute attache, sombre dans la mollesse et libère le corps de toute contrainte. Le corps ainsi libéré va perdre le lien qui le rattache au surnaturelle par une intelligence trompée (l'objection de conscience ayant été balayée), une volonté soumise aux exigences du corps et donc privée de sa force originelle.
Travailler sur soi pour retrouver cette trinité de notre nature humaine et ensuite la transmettre à nos enfants me parait être une solution pour revivre bien. Il serait intéressant de compiler la dualité de nos lointains voisins japonais et de l'associer à notre civilisation chrétienne. Comprendre l'énergie du corps et de l'esprit pour ensuite la transcender dans la contemplation divine, c'est peut-être une belle ouverture. Cela rejoint d'ailleurs la compréhension de la nature : énergie de la terre, du monde animal et du végétal qui respecte un ordre supérieur qu'aucun homme ne peut trafiquer sans créer des désordres chaotiques.
C'est le respect de l'ordre naturel.
*On peut aussi y associer la 2de guerre mondiale, mais l'important est de comprendre l'enjeu de la destruction du catholicisme seul garant de l'équilibre de l'être humain. C'est donc par la destruction de la trinité humaine, la main-mise sur la force de son esprit et la coupure de la spiritualité qu'une élite pouvait prendre possession de l'humanité.
ET les jardins pullulent de fleurs, du moins par ici, mais nul bruit : grillons, papillons, abeilles, libellules, sauterelles ...ont disparu !!! Un silence de mort !
RépondreSupprimer"Un silence de mort !"...d'une mort qui ne touche pas que les insectes, mais aussi un certain homme qui justement était touché par le mal du siècle qui est de refuser son âme. Un mal qui sème la mort et inverse les valeurs.
RépondreSupprimerL'insecte (ou tout autre animal ajouterais-je a cette phrase dont je ne sais plus de qui elle est,excusez du peu) ne sait pas qu'il doit mourir demain;mais l'homme..
RépondreSupprimer...Au 19é siécle,de "Grands Personnages"(je me permet de les appeler ainsi,moi,simple smicard,attentif(pas comme un squale;comme disait Bloy)a ma classe sociale),explicitaient certains fondamentaux.."vois tu dans la vie il faut manger ou être manger" "vous n'entendez rien a la vie vous autres hommes qui l'embarasser d'une morale imbécile""ce sont les prêtres qui ont inventés le peché et diviniser la souffrance",ceux-ci sont de Mirbeau,il y a aussi Flaubert disant "le bonheur est une métaphore inventé un jour d'ennui""la vanité est le fond de toutes les actions de l'homme""n'ayant pu trouver l'amour j'aurais du choisir la volupté"(mon choix fut vite fait lorsque le moment se produisit)
Je me prete a penser que celui qui a dit "la religion est l'opium du peuple"(je trouve cela vrai,excusez du peu)a peut etre deduit cela d'avoir vu l'interet a aller dans une fumerie d'opium..(lieu pour spéculateur en herbe?).
Portez vous bien.
Dom.
Bonjour Dom,
RépondreSupprimerla différence avec l'insecte, c'est qu'il ne sait pas certes qu'il doit mourir demain, et se contente juste de satisfaire ses besoins primaires mais il ne peut connaitre ni bonheur ni malheur comme l'homme, et surtout ne donne pas de sens à sa vie qui n'en a que pour la déco. Si donc l'homme est une simple décoration de la nature, autrement dit un engin destructeur, à quoi lui sert-il de vivre?
Si la religion est l'opium du peuple, la non-religion en est son désespoir...quitte à choisir, je préfère les volutes ennivrantes d'un espoir de paradis qui enthousiasment et donnent un sens à ma vie...vive donc l'opium des peuples!
Je ne suis pas croyant, mais votre idée de trinité m'inspire un parallèle avec la musique.
RépondreSupprimerPythagore pose la base:
- Deux éléments d'essence identique, mais différents, une note et son octave.
- Un troisième élément, la quinte qui comme son nom ne l'indique pas est un rapport trois aux deux précédents.
Avec l'octave on peut faire une muisque parfaite, mais sans aucun intérêt. La quinte apporte l'intérêt et les ennuis.
Parce qu'après la quinte, il y a la quinte de la quinte, etc...
Donc des ennuis qui semblent sans fin, car le seul moyen de s'en sortir serait de retomber sur l'octave, ce qui est mathématiquement impossible.
A moins de faire un compromis sur un des points où l'on retombe "presque" sur l'octave.
Après des siècles de tâtonnements JS Bach met au point le clavier bien tempéré, avec une suite de douze quintes.
Moi c'est surtout pour leurs orgues que j'aime les cathédrales.
"Moi c'est surtout pour leurs orgues que j'aime les cathédrales."
RépondreSupprimerc'est déjà un bon début. Comme vous je suis musicienne et je crois que la musique porte vers la Foi.
Ma grand-mère aimait faire le tour des cathédrales en écoutant de l'orgue (une grande artiste elle aussi) et pensait sincèrement avoir fait sa prière dominicale ainsi. Peut-être bien! l'élan de l'âme porté par la musique est souvent similaire à celui de la contemplation.
Savez-vous que le grégorien est une musique créée à partir des textes eux-mêmes et donc une prière en elle-même?
Quant à la trinité de la musique établie dans la note-l'octave-la quinte, cela m'est un peu obscure...mais c'est intéressant d'y penser! parce que l'accord parfait réside d'avantage dans les 2 tierces successives qui constituent effectivement la quinte, alors il faut compter sur les tierces qui libèrent la quinte de l'ennui.