mardi 27 mai 2014

Considérations potagères


Quand j'étais au FN

Petite tête blonde de 5 ans, je lisais à l'école l'histoire de coco sur son cocotier et ma meilleure amie s'appelait Fatima. Il y avait cette tour pas loin de la maison où vivait mon amie. J'y suis entrée un jour, pour jouer avec elle et j'ai encore cette vision exotique d'une pièce unique, immense, entrecoupée de multiples rideaux, couverte de tapis. Des gens, beaucoup de gens étaient assis ça et là, oisifs et tranquilles comme l'eau qui dort. De retour à la maison, mes parents m'ont dit de ne pas y retourner. Puis à 6 ans, je ne suis pas retournée à l'école avec Fatima. Ma nouvelle amie s'appelait Isabelle. C'était en 1975.
Ces années 70 furent un immense bouleversement dans les habitudes de ma famille:
- plus de messe à la cathédrale à cause de ce prêtre qui un dimanche, en baissant la tête, a dit à mes parents :"je n'ai pas le choix": il avait quitté sa soutane après avoir juré qu'il ne l'enlèverait jamais.
-des discussions politiques effervescentes que je ne comprenais guère, mais le nom de Jean-Marie Le Pen qui revenait souvent, qui devenait une sorte de héros dans mon approche enfantine du monde lointain de la politique.
Adolescente, je ne compris pas le FN comme une réaction contre un système, mais comme une construction, un choix catholique, un choix qui devait être celui des catacombes par la fidélité à un idéal qu'il représentait et qui était combattu par la société.
J'ai grandi et je me suis construite dans un combat perpétuel pour garder la tradition française. J'avais hâte d'avoir 18 ans pour pouvoir contribuer à cette aventure chevaleresque du front national. Tous ceux qui votaient FN avaient eux aussi cette soif d'absolu, cette amour de la France. Il y avait alors ce quelque chose d'enthousiasmant, cette impression d'être au bon endroit, et toutes velléités politiques, sociales, culturelles ou religieuses passaient par le crible de notre esprit critique: on ne connaissait ni répit, ni sommeil; on souffrait avec la France qui saignait, sans connaitre pour autant de douleur personnelle. Loin des sentiments de révolte, le FN bâtissait et construisait toujours plus de jeunes dans cette volonté de garder la France française et catholique.
Et puis le temps des disputes, des scissions est arrivé, le temps des doutes et des reproches, le temps des familles déchirées aussi.
Et puis ce fut le temps de la révolte des lève-tard, des endormis qui n'avaient rien compris à l'âme du FN, de ceux qui avaient mal dans leur chair et leur environnement immédiat, mais pas dans leur âme. Qui n'avait jamais frémi ni vibré devant un hymne national, qui n'avait jamais rien compris à la démission apostolique de l'Eglise, qui n'avait jamais fait de lien entre la décadence de la société et son apostasie religieuse. Alors ces gens là se sont engouffrés dans le front national, ils y ont insufflé une odeur de bourgeoisie rancie, de cathos nostalgiques, d'athées malthusiens et de prolo nourris de haine raciale. N'ayant jamais combattu, ils se sont révoltés et victimisés. Ils se sont sentis diabolisés tout en dînant avec le diable. Ils ont vidé petit à petit le FN de son enthousiasme combattant pour le remplir d'une pauvre haine recuite de fille larguée.
Aujourd'hui, fidèle toujours, je continue à voter FN car je crois à l'unité et à sa force, mais aujourd'hui le FN n'est plus : c'est un succédané qui aura peut-être un poids par le nombre mais je doute qu'il en ait l'esprit.